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La collection particulière d’estampes japonaises du baron Rodolphe d’Erlanger.

Modeste de taille, la collection d’estampes japonaises originales du baron  Rodolphe d’Erlanger réunit 18 gravures sur bois, de différentes tailles et de différentes thématiques,  produites vers le dernier tiers de  la période Edo (ancien nom de Tokyo).  
Fin connaisseur et amateur d’objets d’art  de l’Orient,  le baron Rodolphe d’Erlanger avait en toute évidence un penchant pour l’art  d’Extrême orient (Asie du Sud Est), comme en témoignent  de nombreux d’objets chinois ou japonais dans ses collections (céramiques, meubles, etc.).
Simplement mises sous verre  par les soins de l’encadreur attitré  du  baron d’Erlanger, Marc Lhuicq, comme l’attestent les étiquettes  collées sur le carton qui les  protègent,  les gravures, qui forment cette collection, sont fort probablement des originaux qui portent la signature  (et parfois le sceau) d’ artistes   appartenant à l’âge d’or de l’estampe  japonaise. 
L’attirance du baron pour l’art de l’ Ukiyo-e , est attestée  par  son   autoportrait, daté aux alentours de 1907 . Ce tableau  montre  une série d’estampes japonaises  accrochées au mur  de son atelier de peinture à Paris.  Cependant, un examen minutieux de ces estampes  montre  qu’elles ne figurent pas dans la collection  retrouvée  au palais  Ennejma Ezzahra au moment de son acquisition par l’Etat tunisien en 1989. Ceci laisserait croire que la collection du baron était beaucoup lus importante  en nombre et qu’elle  n’a pas  été conservée dans sa totalité.  Le fait qu’il ait choisi de ramener au moins une partie de cette collection avec lui de Paris où il résidait à son  palais de Sidi Bou Saïd,  laisserait croire que l’intérêt du baron d’Erlanger  pour les gravures traditionnelles japonaises n’était probablement seulement un engouement passager, sacrifiant à  une quelconque mode à l’époque ; La frénésie  pour les choses du Japon était bien de mise à  son époque.
L’engouement  pour l’art japonais , dit japonisme qui était très en vogue surtout auprès des peintres de la deuxième moitié du 19e s. et du début du 20e s. , mais aussi des hommes de lettres, des industriels et des grands  bijoutiers,  marque l’art et la décoration en Europe, dans le courant de la deuxième moitié du XIXe siècle. Soutenu par les manifestations officielles, les marchands, les collectionneurs, les sociétés savantes et, finalement, par  les grands magasins, enrichi par les comptes-rendus   de voyages et les articles, ce «mouvement » est révélé au public par l’Exposition Universelle de 1867. 
En 1890, l’estampe japonaise triomphe à l’exposition de l’École des Beaux-arts, qui offre un panorama complet de l’ukiyo-e, des origines à 1860.
A ces grandes rétrospectives, dont nous ne mentionnons que les plus importantes, succèdent des manifestations consacrées à des individualités comme par exemple Utamaro et Hiroshige, à la galerie Durand-Ruel, en 1893.
En l’état actuel de nos connaissances des archives personnelles du baron d’Erlanger, aucun document ne fait référence  aux circonstances ou aux dates d’acquisition de ces estampes, ni à une quelconque intention ou tentative d’en faire une source d’inspiration ou d’étude.
Quelques étiquettes sur les cartons qui soutendent   certaines estampes laissent croire que ce 
goût pour la gravure sur bois japonaise, que cultivait  le baron Rodolphe d’Erlanger, était partagé par sa femme, la baronne Bettina d’Erlanger. Son nom  y est inscrit au stylo à encre.
Les estampes japonaises du baron d’Erlanger  sont l’œuvre de grands maîtres de l’art de l’ukiyo-e. La collection se répartit comme suit :
  • 4 estampes réalisées par Keisai Eisen ( 1790 - 1848),  qui se spécialisa dans les bijinga, ou « peinture de jolies personnes » et dont les  meilleures œuvres, qui comprennent ses okubi-e (visages en gros plan), sont considérées par certains comme des chefs-d'œuvre de la période « décadente » (ère Bunsei qui correspond à la période allant du mois d’avril 1818 au mois de décembre 1830).
  • 4 estampes réalisées par Katsushika Hokusai (1760-1849), probablement l’artiste japonais le plus connu en Occident et qui a influencé de nombreux artistes occidentaux 
  • Deux estampes  réalisées par Kitagawa Utamaro (1753-1806), artiste connu principalement pour ses représentations de personnages féminins ; parmi ces estampes une qui fait partie  de la fameuse série réalisée par Hokusai sur le Mont Fuji appelées Trente six vue sur le Mont Fuji
  • Une estampe réalisée par Utagawa Hiroshige  (1797-1858) Artiste, principalement connu pour ses paysages ;
  • Une estampe réalisée par Utagawa Shigenobou (1826-1869) surnommé  Hiroshige II ;  
  • Une estampe réalisée par Utagawa Toyokuni    (1769- 1825)
 Du point de vue thématique, les estampes qui forment  la collection du baron sont assez variées, mais nous ne savons pas si le choix de ces thématiques  procède  plus du hasard que d’un choix délibéré par le baron. On relèvera  les types suivants:
  • Des Fukai-ga  (terme japonais signifiant peintures de paysages naturels), présentant entre autres  des scènes champêtres, y compris une scène d’observation de floraison de cerisiers (hanami en japonais), 
  • des portraits en buste ou en pied  de personnages féminins ou masculins (geisha ou courtisane et  shôgun ), 
  • une composition florale ( ikebana), 
  • une scène de chasse au faucon . 
Certaines estampes font parties de séries, telles que  l’estampe intitulée « Yoshida dans la région de Tokaido », réalisée par Katsushika Hokusai et faisant partie de la série  Trente-Six Vues du Mont Fuji », laquelle compte en réalité  quarante-six estampes, ou l’estampe réalisée par Hiroshige II   faisant partie de la série  « 100 sites pittoresques dans diverses provinces ».
Sur le plan de la typologie ou de la technique d’impression, cette collection comprend essentiellement :
  • Des estampes azuri-e, terme renvoyant habituellement aux estampes sur bois japonaises, imprimées essentiellement, ou pour la plus grande partie, en bleu (bleu de Prusse ou de  Berlin). Même si un seul type d'encre bleue est utilisé, les variations des valeurs du clair et de l'obscur,  peuvent être obtenues en superposant de multiples impressions d'une partie du dessin, ou en appliquant une gradation de l'encre sur le bloc d'impression en bois (bokashi).
  • Des estampes où  une deuxième couleur est utilisée, il s'agit généralement du rouge.
  • Deux estampes  monochromes  en noir et blanc dite sumizuri-e, qui sont en fait tirées d’un livre d’image dit e-hon en japonais
  • Certaines estampes sont rehaussées de gaufrage, technique qui consiste à reproduire des motifs en relief sur le papier et qui ajoute une touche de luxe à l’œuvre 
Sur le plan  des dimensions, les estampes du baron se répartissent en gros en deux  formats classiques : ôban (orientation portrait dite  tate-e) et  ôban (orientation paysage dite yoko-e ), soit environ 25 x 38  cm et  chūban  (orientation paysage dite  yoko-e) soit environ 25 × 19 cm
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[1] Cette période qui s’étend de 1615 à 1868,  correspond  à la première génération de l’estampe japonaise.

[1]   Terme japonais qui signifie image du monde flottant, éphémère.

 
 
 

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